Voir Venise et pas mourir, du moins pas tout de suite hein, je pense que vous serez d’accord. Étape Bergame-Venise par autoroute aujourd’hui, la moto ronronne bien depuis notre départ, c’est-à-dire 1000 kms. On s’était arnaché pour affronter la pluie, mais rien ou si peu en chemin qu’on enlève des couches au fur et à mesure qu’on progresse, à coups d’expresso délicieux lors des arrêts pipi et plein d’essence. La bête, elle, se contente de ses 5 litres et quelques de sans plomb aux 100 kms.
On est pas fâché d’arriver au camping Rialto et vu ce que la météo prévoit, on a demandé un mini chalet plutôt qu’un emplacement pour tente. La suite nous a donné raison… Quel bonheur d’écouter tomber la pluie bien au sec, de l’intérieur ! On a eu le temps le soir de garer le side de façon à ce que le panier soit protégé de la pluie par l’avancée de toiture du châlet. On demande s’ils ont reçu la lettre d’Azelle contenant la CNI, ben non, rien encore…
Au petit matin, il y a quinze centimètres d’eau tout autour de nous, dans le camping c’est l’inondation. Nos affaires abritées sous le auvent du châlet (le sac orange sur le nez du side) sont malgré tout trempées.
On déballe le tout au soleil, sur quelques bandes de végétation autour de nous qui ne sont pas sous l’eau, nous allons aux toilettes pieds nus, pantalons retroussés bien haut, puis savourons un petit déjeuner de thé turc, une banane, un jus de pamplemousse, pain miel.
Venise nous revoilà ! Une fois le gros des affaires séchées ou en cours de, on saute dans le bus numéro 5 qui nous emmène en 10 minutes Piazzale Roma, à l’entrée piétons de Venise.
Un peu hagards, encore ébaubis de l’expérience matitunale de l’eau, nous la poursuivons à Venise, pour qui c’est une seconde nature. Le soleil du matin s’est voilé, des salves de pluie régulièrement nous rappellent qui c’est qui décide (et c’est pas nous).
C’est la biennale d’art contemporain en ce moment et nous repérons le logo de l’événement au gré de nos déambulations en direction du quartier de l’arsenal. Si l’accès à l’immense espace de la biennale de l’arsenal est payant, un grand nombre de pavillons de pays ainsi que d’expositions d’artistes sont libres d’accès un peu partout dans la ville.
Pour sa 60e édition, le thème 2024 de la biennale est » Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere » (Étrangers partout), il permet aux artistes de présenter leur travail aux prises avec les tensions de l’exil et de la migration. Le curateur en est cette année le brésilien Adriano Pedrosa.
On commence par l’exposition intitulée The endless spiral, de Bethsabée Romero, artiste mexicaine. Le bâtiment dont l’entrée est sous les voûtes de la place St Marc, est une suite de vastes pièces sans fenêtres sur 2 étages.
Ci-dessus, cette ligne (ces lignes, car il y en a une série, de plusieurs formes) de néon rouge sépare, non pas des chaussures mais des formes en bois destinées à la fabrication ou réparation de chaussures.
Ci-dessus des rubans culturels, comme d’autres sont d’ADN ?
Ici sont figurées les cohortes de migrants terminant leur course vers l’oubli, la disparition (missing), dans le mur. Ce qu’on peut voir comme des familles ou petits groupes dans ces plaques dorées (de l’or ?) suspendues à des fils dans l’espace. Si l’on a du mal à trouver une signification à ces formes, leurs ombres projetées sur les murs de la pièce deviennent un théâtre d’ombre beaucoup plus suggestif de corps en marche.
Cette « maison » en lévitation n’a plus rien de réel, suspendue, elle n’est pas terrestre, ajourée elle n’est pas protectrice, même sa lumière intérieure fuit au dehors, c’est une vision, un rêve, un désir peut-être ?
Ci dessus, ces formes à fabriquer/ réparer des chaussures deviennent ici avec leur décoration particulière, comme des pieds humains, chacun trouvant sa singularité par ses ornements et motifs.
Nous sortons un peu sonnés et reprenons notre chemin. Nous entrons plus loin dans l’expo « Everyday War » de l’artiste Yuan Goang-Ming de Taïwan, qui présente une série de vidéos montrant et des contextes et des événements pour le moins étranges, comme cet appartement, sous l’eau jusqu’au plafond, si bien que l’écran de projection joue le rôle d’aquarium ! Stupeur et tremblements lorsqu’une charge explosive fait tout voler en éclats, à la vitesse de l’eau… (décidément…)
Plus loin encore, c’est le pavillon du Zimbabwe, nous sommes maintenant près du quartier de l’arsenal.
Ci dessus l’étrange sculpture à la fois suspendue et accrochée de Mofat Takadiwa, « Dudu Muduri », faite de tubes de dentifrice vides pressés et de brosses à dents usagées…
Là le sol est couvert de boutons de vêtements, autre forme d’accumulation de singularités, traces témoignant du passage d’individus, de familles, de groupes…
Ici cet assemblage de Victor Niakoru, des outres d’eau, du cuir, des rivets, des entités autonomes liées entre elles comme par la jonction de deux doigts… Des corps solidaires ?
Et cette sculpture forte de Mofat Takadiwa, « plate » si l’on n’est pas à un paradoxe près. Ici aussi, on ne sait qu’en s’approchant ce que l’on voit : des brosses à dents usagées, des touches de clavier d’ordinateur, des boucles de ceinture de sécurité, et qui heurtent ce que de loin on avait seulement perçu comme un tout : un oeil qui nous regarde, dans un demi visage…
Plus loin encore, dans la pavillon de l’Azerbaïdjan, ces images d’Irina Eldarova, série intitulée « Girls prefer oilmen ». Où une jeune femme blonde évoque par sa ressemblance Marilyn Monroe et danse avec un ouvrier du pétrole, sur fond de derricks, d’engins et grues d’extraction évoquant plutôt l’ex URSS que les Etats-Unis. Ici, c’est ce que nous dit le cartel, la femme y est montrée comme une étrangère fondamentale, non parce qu’elle est américaine mais parce qu’elle est femme, toujours soumise à une société organisée par et pour les hommes…
Enfin, c’est avec Elias Simé, Tunisie, que nous terminons nos pérégrinations du jour. La tête pleine d’images et de sensations. Cette fenêtre nous attire vers l’œuvre qu’elle laisse entrevoir dans une pièce, de l’autre côté du mur…
Du dehors, on voit des couleurs, on pense peinture, mais c’est une sculpture, une fois devant, c’est une vue aérienne, un « vu du ciel », la mer, des maisons, des jardins… Et ce n’est ni du pigment ni du bois ni du métal, mais du galon en tissu, assemblé par d’innombrables clous de tapissier…
C’est cette belle pluie qui a traversé notre petit immeuble et qui a bien pourri un mur de l’appartement ! Et c’est pas fini. Bel orage pour mon arrivée. Je ne suis pas venu plus tôt à Venise pour rien. J’ai du boulot. Les expos oof de la biennale pour plus tard. Je suis ici pour un mois et demi.
Bon, on a vu des trucs chouettes et d autres beaucoup moins mais, dans tous les cas, on était au sec . J ai eu une petite preférence pour les oeuvres que j ai pu regarder installée ds un fauteuil confortable,ds un lieu chauffé .parfois, les trucs sonorisés étaient perturbés par le bruit de la pluie. Ça fout le bordel .