Aujourd’hui nous avons quitté Chia plus tôt qu’à notre habitude. C’est que nous sommes allés voir le musée à ciel ouvert de Pinuccio Sciola, sculpteur Sarde né en 1942 à San Sperate. Nous avions été très intrigués par ce que nous avions lu sur lui…
C’est donc là bas que nous allons. La route pour y parvenir est abominable, particulièrement sur toute la partie de contournement de Cagliari, on y évolue en milieu industriel, cimenteries et pétrochimie je suppose, ça pue et c’est moche ; et puis c’est dangereux, des nids d’autruche sur une section de route rapide de deux fois deux voies, et pas qu’un peu, sur toute la largeur de la route, et à répétition, des carrefours sans marquage ni panneaux, la chaussée grattée des 2 côtés sur 1 mètre de largeur et sur bien 2 à 3 centimètres d’épaisseur, obligeant les véhicules des deux voies à se croiser très près, au milieu de la chaussée 🫣
Et puis c’est San Sperate, littéralement Saint Espoir. La ville exhibe fièrement ses multiples murales ou peintures murales. On trouve aussi bien des scènes de vie campagnardes que des compositions plus contemporaines ou des portraits. Certaines sont l’œuvre de Pinuccio Sciola, dans le premier temps de son travail d’artiste, après sa formation académique internationale, dans les années 70. Il a invité ici d’autres peintres, travaillé aussi avec des enfants de sa ville pour réaliser des fresques à plusieurs mains.
Le musée privé qui porte son nom s’est installé dans l’ancien jardin familial, c’est un vaste espace arboré et clos, à ciel ouvert. C’est là que l’artiste a installé le coeur de son travail de sculpteur, celui qui lui a valu sa stature et renommée internationale. Pinuccio Sciola est connu comme celui qui sait faire chanter les pierres…
Ces blocs sciés au disque diamant font un peu penser au peigne musical fixe d’une boîte à musique, vous voyez cette petite plaque d’acier découpée finement en languettes de longueur différentes pour former des notes de musique par vibrations au contact du rouleau hérissé de picots?
Dans ces blocs, où les coupes franches relèvent à la fois de l’approche au scalpel et de l’approche plastique, le lisse et le rugueux y semblent révéler un rapport, une tension irréconciliable au sein de la même pierre.
Beaucoup de blocs ont été coupés de cette façon, horizontalement et verticalement pour former des carrés mais sur des profondeurs différentes… L’artiste a semble-t-il beaucoup exploré cette piste… Fragile… et sonore !
Ces deux pierres latérales, blocs carrés placés debout, sont déchirés non par une lame au diamant, mais par le feu d’un chalumeau faisant fondre cette pierre de lave, qui retourne à son origine plasmatique en coulant en quelques gouttes épaisses.
Sur ce bloc, les lamelles découpées sont très longues et la médiatrice, qui a été formée par l’artiste, sait les faire vibrer sans les casser… Difficile de croire que la pierre de granit possède une telle souplesse, et pourtant…
Ici, pour ce bloc horizontal au sol, on pense à un clin d’oeil au travail de l’artiste Italien de l’arte povera, Giuseppe Penone, qui a lui aussi exploré le bois de cette façon, presque en écorché.
Dans une vidéo sur Pinuccio Sciola, on voit l’artiste manipuler ses pierres, schiste, granit, calcaire, du bloc brut au bloc passé par ses mains, et sous les griffures et entailles d’une lame rotative au diamant, il raconte comment son enfance au contact du travail de la terre, immergé dans la culture Sarde, dans la mémoire des traditions Nuragiques, l’ont amené à s’occuper des pierres… Cet assemblage est un hommage.
Une pierre qui chante, par le frottement d’une autre, plus douce. J’ai au moins deux autre vidéos, dont une incroyable, où la médiatrice se fait harpiste sur une pierre taillée selon l’artiste, comme une voile de bateau, mais j’y ai vu moi’ une harpe. Et c’est magnifiquement étrange… Les fichiers vidéo sont impossibles à manipuler sur la tablette, je les mettrai en ligne dès le retour à Montreuil, mi août.
L’artiste a-t-il ici exploré le devenir matriciel de la pierre en la découpant de cette façon ? Ou s’agit-il de casses malheureuses… ou créatrices ? Questions qui resteront sans réponse.
Ce bloc, Modeste par sa taille, évoque cependant un centre ville ultra moderne… New York City par exemple ?
Dernière image du musée à ciel ouvert Pinuccio Sciola, qui s’est éteint le 13 mai 2016 à Cagliari. On y reconnaît une sculpture avec trois sujets humains : deux adultes et un enfant.
Sa dernière direction de travail portait sur la manière dont les pierres reflètent la lumière. Les photographies des larges pierres plates aux surfaces grainées et de lui, de nuit devant un feu de bois, sous les étoiles, sont superbes.
C’est fou ce que les artistes ont dans la tête … Celui-ci n’avait assurément pas une tête de pioche.
Bisous Cat
Mais peut être un caractère volcanique ? ☺️