Qui l’eut cru !? Pas nous ce matin, après notre nuit dans le verger de Mehmet et sa famille. Les carottes nous semblaient pré-cuites et on se voyait déjà faisant les papiers à la douane d’Antalya pour organiser un retour du side en camion et nous en avion.
Mais c’était compter sans la Turquie ! Car si la Turquie c’est (aussi) les galères, c’est aussi tout ce qui sauve et libère des galères !
Merci pour vos gentils messages sur le post d’hier, ça fait du bien de vous savoir avec nous 😉
On vous raconte cette journée de folie.
Ce matin, le soleil chauffe déjà la tente à 8h. On attend sans trop y croire le camion plateau pour 9h. On fait le thé, on a encore un peu de pain, de fromage et de miel, on ne tiendra pas trois jours mais l’humeur n’est pas à considérer ce genre de question. L’humeur aujourd’hui est lambda.
L’endroit est magnifique, le soleil éclaire les falaises de calcaire toutes proches, juste au bout du verger. Elles ont un éclat qu’elles n’avaient pas au couchant. On démonte la tente, plie, range, comprime, roule, les matelas, les duvets, la popote, il est 9h. Ce rituel de camping a une fonction zen : quelque soit notre état ou humeur, l’accomplir nous recentre vers l’objectif de notre journée.
Mehmet et sa famille arrivent en tracteur, que j’ai photographié à la sauvette hier quand ils étaient aux champs. Il est magnifique. Mon oncle Piero en avait un ressemblant dans sa ferme de Tribano dans le Veneto en Italie.
Je pensais que celui-ci était Turc mais Mehmet me dit que son nom est Turc, mais c’est en fait un Lombardini Italien.
Ce petit engin grimpe partout, léger, 4 roues motrices, il se mue en motoculteur ou en tracteur avec remorque en peu de temps.
On échange quelques mots de bonjour, on est contents de se retrouver. Ils nous apprennent que la dépanneuse arrive dans 10 minutes, Mehmet a reçu un appel ce matin. On s’active pour terminer le chargement.
Après négociations, commencées hier, Mehmet a accepté notre dédommagement pour la nuit de camping, l’eau, l’electricité. 2 billets de 100TL, soit le prix moyen d’un camping.
Melike, la fille de Mehmet nous demande notre âge, si on a des enfants, si c’est difficile de conduire une moto sidecar. Elle nous aura accompagné en traduction depuis le début.
On se quitte en prenant quelques photos et en échangeant quelques paroles d’au revoir. Hoşçakal ! Güle Güle !
La dépanneuse arrive, se gare pile poil devant le side, on salue le chauffeur, il demande l’aide de Mehmet pour placer ses rampes au bon écartement des roues du side. Il l’attache ensuite fermement et avec précautions.
On part à 10h, pour 4h de routes de montagne escarpées et parfois sans asphalte, direction Antalya, destination concession Moto Guzzi.
Après 1 heure de route, je reçois un mail du partenaire MAIF en Turquie m’informant du fait que le concessionnaire Guzzi d’Antalya n’a pas d’atelier, il vend seulement… Cette nouvelle nous empêche d’apprécier le paysage magnifique. Nous ne savons pas où nous roulons, mais nous roulons.
Je leur demande s’il n’est pas possible de savoir vers qui ce « concessionnaire » Guzzi envoie ses clients pour la maintenance et les pannes. Peut-être un partenaire ? Un ami ? Une recommandation ?
L’assistance nous ré-oriente un peu plus tard vers Alanya, c’est sur notre route, beaucoup plus petit et beaucoup plus près ! Ils ont trouvé un garage et m’envoient leur coordonnées.
Ahmed le chauffeur du camion, s’arrête dans un mini routier de montagne. On y mange un Gozleme façon Borek : un ensemble de 4 crêpes chaudes fourrées au fromage, dans lesquelles on roule au choix, du fromage sec en gros grains, du choux et de la tomate augmentés de piments forts. Délicieusement roboratif ! Avec un thé, servi à volonté ici, vraiment l’esprit du thé je trouve. Je m’apprête à mettre un sucre mais me fait gentiment sermonner par le chauffeur : trop de sucre nuit à la santé. Ok Ahmed, je vais m’en passer. On anticipe et on veut payer pour nous 3 mais il ne veut rien savoir et tient à nous offrir le repas…
On reprend la route, objectif garage Underground AK Universal, suis allé voir sur le web et le sens bien : photos de l’atelier, rangé et outillé, divers types de motos et de travaux, multi marques KTM, Aprilia, BMW, Ducati, Guzzi, Kawasaki… ceux là devraient pouvoir nous aider.
On arrive au garage a 12h45. Ils sont là à nous attendre et visiblement contents de ce nouveau challenge. Les 3 frères (on apprendra qu’ils sont 5, mais 2 sont absents) nous aident à descendre le side du plateau.
Sachant qu’on arrivait, ils ont demandé à un ami et client, motard également, de venir traduire nos échanges en anglais. Adnan nous aura accompagné tout l’après midi dans tous nos échanges, avec tact et précision, l’oeil malicieux et l’esprit positif. C’est un personnage, il est Turc et a vécu 20 ans en Grèce.
Ils veulent savoir quel est le problème. J’explique que la moto fonctionne très bien à froid, mais qu’après avoir roulé entre 500 mètres et 1 km, elle perd sa puissance, a des ratées, et que le phénomène empire, jusqu’à obliger à l’arrêt.
Je leur dit que je pense aux sondes lambda, parce que ça m’est arrivé en Italie l’an dernier, en altitude également.
Ils veulent savoir quand, comment et dans quelles circonstances la panne est survenue. A quelle altitude nous étions, si j’avais fait le plein avant, dans quelle sorte de station, combien avais-je roulé depuis le plein, si j’avais changé les bougies, si la moto venait d’avoir une ou des interventions auparavant, lesquelles…
Pendant que j’emmenais l’un des frères essayer le sidecar, pour qu’il puisse constater qu’à froid il fonctionnait mais qu’à chaud il ratatouillait, l’autre appelait un expert Guzzi à Istanbul pour lui faire un brief de nos premiers échanges.
Ils branchent ensuite la moto sur le monitoring, la fameuse valise. Le diagnostic est complet et révèle des informations très utiles, si on sait les interpréter. Il apparaît bel et bien un défaut sur les 2 sondes lambda. Mais les 3 frères ne cèdent pas à la tentation de l’interprétation littérale d’un défaut qui nécessiterait le remplacement de la pièce. Un défaut signale surtout un problème à résoudre… Les sondes lambda rencontrent un problème et ne parviennent plus à envoyer les bonnes infos à l’ECU (Electronic Control Unit) voilà ce que signifie le message de « default ».
Ils avaient maintenant une hypothèse et un plan d’action : notre dernier plein a été fait dans le petit village de montagne d’Ermenek où l’essence était vraisemblablement frolatée ou de très mauvaise qualité. Il n’y avait là qu’une seule pompe de 95. Nos ennuis ont commencé là bas en effet…
J’avais remarqué récemment que le filtre à air était sale mais n’ayant pas de détergent, je ne l’avais pas encore lavé : les sondes lambda sont chargées de donner les bonnes indications à la centrale ECU sur la quantité d’oxygène présente dans les gaz de combustion, mais avec un filtre sale, ces informations sont faussées puisque le moteur peine à avaler l’air comme il le devrait…
Le troisième frère constate que l’ampoule code-phare ne fonctionne qu’à moitié. Oui en effet lui dis-je, il y a quelques jours, j’ai entendu un bruit suspect dans le phare, j’ai constaté que le code ne fonctionnait plus mais que le ventilateur de refroidissement de l’ampoule (une ampoule LED) tournait à plein régime quand je restais en code. Je me suis dit que je roulerai en phare, puisqu’on ne roule pas de nuit.
Sauf qu’il a poussé son analyse plus loin, en prenant la mesure de charge de la batterie, moteur au ralenti, elle était alors de 15,5 volts, beaucoup trop haut ! Gros risques pour tous les éléments électriques de la moto, à commencer par l’ECU…
En changeant l’ampoule code-phare LED à ballast pour un modèle d’origine, la valeur est revenue à la normale de 13,5 au ralenti : l’ampoule LED n’était plus électriquement fiable et provoquait des désordres sur le faisceau.
Mauvaise essence, filtre à air encrassé, surcharge électrique : 3 conditions pour générer une panne bien tordue.
Mes bougies Iridium toutes neuves n’ont pas supporté l’essence frolatée, elles ont été remplacées par des origines.
En 4 heures d’enquête, d’hypothèses, de rapprochements, de consultations, d’intelligence collective, le problème des sondes lambda à été réglé, sans pour autant les changer.
🤔
Je me suis du coup demandé si l’épisode Italien de l’an dernier n’était le même scénario, car j’avais dit au garagiste Guzzi que j’avais des doutes sur la qualité de l’essence prise sur l’autoroute : la pompe délivrait l’essence au ralenti… Lui aussi avait constaté un défaut des sondes, mais il les a changées. En repartant, j’avais refait un plein propre, et le problème était réglé, mais d’une façon qui ne produisait pas de connaissance…
🤔
J’ai vécu avec eux une véritable leçon de mécanique moto, les technologies ont tellement changé la pratique du métier (j’étais mécano moto de 1974 à 1980) que le diagnostic numérique est devenu central, sans que l’enquête de panne ne perde rien de son intérêt et de sa finesse.
Nous sommes restés la plupart du temps Nathalie et moi, assis à la table dehors avec Adnan, à l’ombre d’un gros résineux, devant un thé ou une eau pétillante qu’on nous a proposé continuellement, à papoter sur les lieux remarquables et oubliés de Turquie. Nous étions appelés de temps à autre pour un point sur l’avancée des travaux, Adnan assurant toutes les traductions.
Le temps d’attendre que la moto refroidisse complètement, de vidanger le réservoir, et on me propose de faire un nouvel essai. J’emmène cette fois l’un des autres frères. La moto ronronne de son roarrr roarrr le plus clair et profond, sans coup férir ni pétouilles sur les 2 ou 3 kilomètres d’essai à bas, moyens et hauts régimes. Envolée, disparue la panne ! Bravo la belle équipe ! Avec lui on jubile sur le side au retour !
De retour au garage, Nathalie va acheter une demi pastèque, qu’un des 3 frères complète de fromage et de pain, car nous dit Adnan, c’est un classique des repas d’été !
Adnan à droite, qui roule en 1000 DL Suzuki et traducteur de talent, Nathalie qu’on ne présente plus, les 3 frères et moi.
La photo du départ où tout le monde est heureux ! Nous de pouvoir continuer le voyage, les trois frères d’avoir réussi un nouveau défi, et Adnan d’avoir été le passeur d’histoires entre les langues, avec talent !
Il a tenu à nous accompagner avec son scooter sur le chemin de l’hôtel réservé par l’assurance. Nous arrivons après 10 kms devant un hôtel façon gâteau à la crème, goût Russe, couleurs criardes et déco clinquante.
La piscine est vide, les feuilles mortes s’amoncellent dans le hall. Tout le mobilier est emballé, visiblement prêt à être déménagé. Les 3 guichets de la réception sont allumés mais personne n’est là. Personne ne répond à nos cris de « Reseptiyon ?! ». C’est sûr cet hôtel est fermé…
Quand une petite voix finit par nous répondre du fond d’un bureau, avec un accent Russe « It’s closed ».
Les deux jeunes femmes sont visiblement occupées à gérer la fermeture de l’hôtel. Elles nous expliquent qu’il y a deux autres hôtels en centre ville portant le même nom ! Elles nous indiquent où aller. Oups ! Spaciba !
La guerre en Ukraine a également mis du plomb dans l’aile du tourisme Turc, et pas seulement sur la mer Noire.
Retour en centre ville. Fin de la journée. On se précipite sur la douche et la bière Efes très fraîche !
Superbe nouvelle. Nouveau départ nouvelles zaventures. Très heureuse que le feuilleton quotidien se poursuive. Mille bises et à demain pour lire vos nouvelles découvertes
´Magnifique!!! Quelle bonne nouvelle!! On est très heureux pour vous😍
Quelle aventure, mécanique, humaine aussi, qui a permis de vous tirer d affaire !
Hallucinant comment les talents de chacun se sont assemblés et coordonnés pour vous aider, ! Dans un film on dirait ouais … c’est un peu too much…🤣
Je me disais bien que le tracteur de tonton Piero était caché quelque part😉😍
Ouf , c était pas le bon hôtel😅😵
Bises à vous 3, ….oui, les italiennes sont sensibles…
Et bon vent, on y croit!🥰🥰🥰
❤️😍🥰
Merci Lydia !
Oui, très heureux que tu rappelles que les Italiennes sont fiables et volontaires, mais sensibles 😃
Bizzzz
Ah super nouvelle !!! On étaient malheureux de vous savoir en galère.
Bravo aux mécaniciens, traducteur…et à la Maïf 😄
Prêts pour de nouvelles aventures heureuses!
Lise-Marie et Sylvain.
😉🤞❤️
Génial ! Super nouvelle en cette veille de 14 juillet ,on est content pour vous et en plus en tant qu’amateur de 2/3 roues a moteur ou pas , on a eu une super étape du tour de France. Changement de maillot, c’est un signe pour vous j’en suis sûr, c’est que la chance tourne elle va vous accompagner maintenant !
Bonne route
moralité : plus d’essence frelatée !
💥💨💤✨🌟😎
Tu vois Alain, ta gondole peut tomber en panne ,nous n’avons pas ruiné la maif….enfin pas encore.
Super cette réparation. Très bonne nouvelle. C’est vrai que je prends aucun risque en faisant le tour du ghetto en voga sur le « scio’pon ». La boîte de vitesses (forcole) est plus simple. Bonne route et merci la MAIF.